Ethiopie automne 2019

Heureux les hommes dont la force réside en Toi

jeudi 26 septembre

A l’arrivée à l’aéroport d’Addis Abeba, la valise de Thierry et mon sac à dos ont disparu… Le vol a été pénible, nous n’avons guère dormi, le groupe est fatigué.

Mais l’énergie de Marie-Rose emporte tout.

Nous lui devons le conseil et la grâce de prendre un guide à Lalibela, merveilleux Addis, qui finalement nous accompagnera jusqu’à Aksoum.

vendredi 27 septembre

Cachée au dos d’un pilier, dans l’obscurité de Bet Maryam de Lalibela, l’icône d’une vierge au regard secret et trouble, qui refuse de se laisser prendre en photo.

Tu es fou ! a lancé notre chauffeur à Addis. Et pourtant, il est venu nous chercher vers 1h du matin à notre hôtel, pour nous conduire au milieu des sanctuaires.

La vague des prêtres nous emporte dans la nuit, fluant et refluant au rythme des sistres puis des tambours et des chants obsédants. Le royaume de Dieu se trouve-t-il donc ici, dans le creux de cette terre ?

samedi 28 septembre

Dans la lumière naissante de l’aube, l’église Saint Georges, comme surgie des entrailles de la roche, par la volonté d’un archange oublié et jaloux. Les prêtres vont et viennent pour la liturgie, un vieil homme mort repose dans le roc, pieds et mains desséchés et intacts, témoignage d’anciens temps de prière.

Après une longue attente, la croix bûcher s’enflamme enfin sur la grand-place, au milieu des chantres et prêtres dans leurs habits de cérémonie et d’une foule dense et joyeuse.

Vers midi, tous ensemble descendus du car, au bord du chemin menant à un marché, goûtant la fraicheur d’un sycomore aux bras et à l’ombre immense.

L’après-midi nous parcourons les chemins du paradis et de l’enfer, de temple en temple —ou anciennes demeures royales ?— du « groupe sud-est » de Lalibela.

dimanche 29 septembre

Pour traverser un gué à sec, nous devons descendre et déplacer les pierres éparses, afin d’ouvrir un chemin à notre car. Plus loin, au passage d’un col, le froid et la misère en guenilles d’enfants nous saisissent. Plus loin encore, l’océan des champs de teff se balançant dans le vent, ânes, vaches et brebis, par petits troupeaux, dans les pâturages ou au milieu de la route… Longue, longue route nous menant jusqu’au Tigré, à travers les montagnes puis la plaine vers le nord. Heures contemplatives et silencieuses, empreintes de douceur et de louange.

Jusqu’à arriver dans la nuit, réunis joyeux, autour de bières et même de vin ! dans un bar sans prétention.

lundi 30 septembre

La détresse de Pascale au matin, épuisée par la route et une nuit sans sommeil. Plus tard, aux abords de l’église Abraha we Atsbeha, le désarroi de quelques unes des femmes du groupe face à l’insistance des enfants mendiant, obligeant Addis à intervenir.

Toujours la beauté des paysages et des lieux, et toujours la grâce de Dieu.

mardi 1^er octobre

Plongé dans la prière, je me retourne soudain et vois la silhouette de Nadia, que nous avions laissée, vaincue par le vertige, en contrebas avec un guide, se dessiner dans le contrejour de la porte de l’église de Maryam Korkor.

Heureux les hommes dont la force est en Toi, ils gardent au cœur les montées, ils marchent de hauteur en hauteur, Dieu leur apparaît dans la montagne de Sion. Tous sans exception, en dépit des prédictions inquiètes d’Addis et de la difficulté, le psaume au cœur, nous sommes montés jusqu’au portes du ciel !

C’est aussi une épreuve et une traversée intérieure, ce jour-là, pour Marianne, et l’ouverture d’un grand chemin vers elle-même.

Et pour tous, l’amitié et le bonheur de vivre cela ensemble.

mercredi 2 octobre

Emplettes joyeuses et matinales au marché d’Hawzen, couleurs et senteurs des épices et des étoffes mélangées. Nous rejoignons Axoum par la route. Notre guide sur place, un prêtre austère et digne, nous initie aux différents modes du chant guèze liturgique. L’arche d’alliance, en son mausolée, conserve son mystère.

jeudi 3 octobre

Nous buvons à la source guérissante où se rassemblèrent neuf saints venus de Syrie, fondateurs d’autant de monastères et de l’Ethiopie chrétienne. Dans celui de Pantaléon, suspendu au-dessus d’une harmonieuse colline, un moine malicieux et édenté nous montre par l’embrasure ouverte de sa demeure, ses trésors : dont un évangéliaire inestimablement décoré.

vendredi 4 octobre

Michel, resté à l’heure française, manque le départ. Nous grimpons dans la nuit noire, le long du lit d’un torrent asséché, accompagné d’ombres blanches et rapides, vers l’église Saint-Georges —dont c’est la fête ce jour mais nous ne l’apprendrons qu’ensuite. Thierry peine dans la montée. Tandis que les femmes se regroupent, assises, dans la travée nord, Hubert et moi sommes associés au cercle des prêtres, bâton et sistre en main, et dansons avec eux tout au long de la liturgie. A la fin, c’est le jour libérateur et le retour, avant de rejoindre Gondar et ses ruines royales par avion.

samedi 5 octobre

Je ne veux plus vivre qu’en Toi. Sous la voûte aux mille yeux de l’église Debré Berhan Sélassié, les miens se baignent de larmes. Soudain, le prêtre se lève et soulève le voile de la Vierge pour nous. Au dehors comme au-dedans, ce sont jardins de silence et de paix.

Parmi les brumes de l’aube éthiopienne à la foi vivante, se dessine dans nos cœurs un visage inattendu et majestueux du Seigneur.

Merci à vous toutes et tous, chers Anne, Bernadette, Gilles, Hubert, Laure, Marianne, Marthe, Maryse, Mélanie, Michel, Nadia, Pascale et Thierry pour votre amitié et votre fidélité à me suivre sur des chemins parfois escarpés… Et un merci spécial à Anne pour son aide dans l’organisation et à Laure pour les traductions.